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Liberté ludique

Moins de jouets pour plus de jeux

Si les enfants jouent régulièrement avec des jouets, cette activité n’implique pas nécessairement des objets manufacturés. Il est possible de leur en proposer des modalités bien plus riches, justement parce qu’elles ne reposent pas sur un artefact conçu pour être ludique. Intégrer dans sa pratique professionnelle des moments avec moins de jouets s’avère souvent synonyme d’émerveillement et d’ouverture de multiples possibilités d’exploration.

Jouer ne veut pas dire forcement jouet ! loin de ne passer que par du matériel manufacturé pensé par l’adulte, le jeu du jeune enfant peut prendre toute son ampleur à travers l’utilisation d’objets initialement conçus pour d’autres activités.

De nombreuses pédagogie active, dont l’approche de Reggio Emilia, se détachent de du jouet pour mener une réflexion sur l’acte même de jouer. L’idée n’est évidemment pas de supprimer en permanence tous les objets ludiques, mais de réfléchir à d’autres activité à proposer aux enfants, à de nouvelles perspectives qui laisseraient plus de place à l’imagination, à la spontanéité et à la créativité.

Découvrir le monde en jouant

Le tout-petit a besoin d’explorer avec ses 5 sens, avec son corps, sans que cela ne passe forcément par un objet en plastique dit éducatif qui bipe ou clignote.

L’enfant est un petit scientifique qui apprend par tâtonnement expérimentaux, fait des découvertes par essais-erreurs. Il est donc essentiel de favoriser son exploration libre en réfléchissant en amont à l’environnement le plus adapté à ses recherches ludiques, sans tenter forcement de répondre à la question, récurrente : quel jouet à quel âge ? car au fond, qu’est-ce que jouer si ce n’est une activité choisie spontanément par l’enfant de façon créative et sans objectif précis autre que le plaisir et l’exploration (sensorielle, motrice, créatrice, expérimentation, etc. ?)

Selon le pédiatre et psychanalyste Donald W .Winnicott, le tout – petit joue en premier pour exprimer son agressivité, maitriser son angoisse , accroitre son expérience et établir des contacts sociaux . Le jeu autonome et actif se relève donc absolument essentiel à son développement harmonieux. Respecter son activité spontanée et lui permettre d’aller là où le mène sa curiosité naturelle est fondamentale.

Quel cadre sécurisé et sécurisant les professionnels peuvent-ils proposer aux enfants pour le rendre pleinement acteur de ses découvertes ? D’après le psychologue Jean Epstein « un enfant ne joue pas pour apprendre, il apprend parce qu’il joue ». Cette affirmation nous oblige à réfléchir à la définition même de de ces fameux jeux dits éducatifs et à l’utilisation que nous en faisons. Comme l’expose André Stren, il n’est pas possible de séparer le jeu des notions de plaisir et d’apprentissage dans la petite enfance, les trois étant intimement liés. Ainsi il n’y a pas d’un côté le jeu libre et de l’autre le jeu éducatif. Pour le tout-petit tout est jeu !

Se passer des jouets manufacturés

Divers courants de pensées s’interrogent actuellement sur les jeux que l’on trouve dans la majorité des commerces : sont-ils réellement adaptés aux plus jeunes ? Ne seraient-ils pas trop existants ? Quelle richesse sensorielle, relationnelle et imaginative ?

Elsa job-Pigeard, orthophoniste, rappelle que l’on peut utiliser tous types d’objets de manière ludique : éléments naturels, cartons, tissus…  Cela lui ouvre une multitude de possibilité. Il peut les transformer, les adapter selon sa créativité, son imagination et sa spontanéité : un morceau de carton devient un château, une cabane, un cheval ou un bus. Au contraire, certains jouets manufacturés enferment dans une fonction, voire plusieurs et s’avèrent totalement inadaptés à l’enfant (mots dits en anglais, chiffres ou formes trop nombreux etc.  Tout cela dans un même objet qui émets des bips sonores sans discontinuer).

Et si nous pensions l’activité ludique en termes de variété des explorations permises plutôt que de quantité de jouets ?   Il est grand temps de faire confiance à l’enfant pour construire ses jeux librement. « Depuis quelques années, le temps du jeu libre fond comme neige au soleil. C’est le triste constat que nous faisons en tant que professionnels de l’enfance Elsa Job-Pigeard s’interroge : le jeu libre est-il menacé par les jouets eux-mêmes ? Elle va même plus loin en établissement un lien entre objets ludiques manufacturés et malbouffe. La nourriture sur industrialisée peut être définie par ses qualités nutritives pauvres, les risques qu’elle engendre pour la santé, son caractère addictif et son impact négatif sur l’environnement. La pertinence du parallèle avec la plupart des jouets présents dans les rayons des magasins, vendus à grand renfort de marketing dit éducatif est flagrante. L’objectif mis en avant par les commerçants n’est pas le plaisir de jouer mais l’atteinte de toute une liste (mensongère) de performances. Jamais, parmi les arguments cités quant à l’intérêt de ces objets ne sont évoqués la créativité, l’imagination, la sensorialité ou tout simplement le plaisir, pourtant fondateur de la notion de jeu.

Dans le même ordre d’idées, Sophie Marinopoulos, psychanalyste, évoque dans son rapport « Une stratégie nationale pour la santé culturelle » la « malnutrition culturelle » dont souffre la société.

Elle y  précise combien l’éveil culturel et artistique est essentiel à la bonne structuration des « ressources cognitives, langagières, relationnelles, empathiques, émotionnelles » Et note que « les enfants de notre culture, qui échappent à la famine, nos enfants bien nourris, présentent des signes de malnutrition culturelle : appauvrissement du langage, faible sécurité interne, perte d’estime de soi, baisse de la résistance à la frustration, excitabilité relationnelle, manque d’expériences sécurisantes »

Ces différents éléments font écho au jeu symbolique, dont le psychologue suisse Jean Piaget souligne l’importance pour le développement de l’enfant. Ces jeux d’imitations, de faire semblant, dépendent entièrement de la capacité imaginative du tout-petit. Or, comment se détacher du réel, se représenter un château à la place d’un carton, si l’on ne rencontre que des jeux ultra-réalistes ou d’une pauvreté créative désarmante ? Qu’inventer à partir d’un jouet en plastique dont l’usage se limite souvent à appuyer sur un bouton pour émettre un son ou de la lumière ? comment le transformer en autre chose ? Quelle « vitalité découvreuse » selon l’expression de Frédérique Dupin, pédagogue fondatrice du centre d’expérimentation et de ressources artistiques et culturelles Petit Pois, cela peut – il déclencher chez l’enfant ?

Conclusion :

Au lieu de jouets, il serait temps que nous commencions à considérer l’activité ludique du tout-petit comme un terrain à explorer, un lieu riche en hypothèses à mettre en œuvre, en objets à détourner en opportunité de mise en lien, de relations, d’émerveillement. Recentrons-nous sur du matériel simple mais à haut potentiel : un bâton qui se transforme en épée ou en crayon, une boite qui se mue en bateau ou en berceau, une pomme de pin qui devient un personnage ou une voiture, et réfléchissons à du matériel et à un environnement qui invitent l’enfant à jouer, à imaginer, à créer.