Sentiment de sécurité
Le bébé éprouve des besoins, des émotions, la notion de différence, avant de pouvoir se les représenter
Il éprouve précocement un sentiment de sécurité et de plaisir lié à la proximité physique et à l’accordage émotionnel avec ses donneurs de soin. En même temps, il éprouve que des besoins, des émotions peuvent ne pas être reconnues.
Ses pleurs ne sont pas entendu ou pas compris, il reçoit un biberon alors qu’il n’a pas faim mais aurait besoin d’être consolé pour se protéger d’une émotion négative…
Son sentiment de sécurité et sa représentation du sentiment d’exister dans la relation à l’autre se construisent en fonction de l’adéquation des réponses de ses donneurs de soins :
– à ses besoins physiologiques,
– à ses émotions (ses propres réactions contribuent à leur tour à entretenir les réponses des donneurs de soins…)
Un bébé accompagné à son rythme, habitué à ce que son donneur de soin anticipe son besoin de ne pas se sentir seul, à être consolé quand il semble en difficulté, peut accéder progressivement à un sentiment de sécurité dans la relation. Ressentir la proximité physique et émotionnelle de l’adulte est un besoin en soi, protecteur de stress.
Le besoin de proximité, évolue rapidement vers un besoin de relation avec des donneurs de soins privilégiés (care givers). Dès 6 mois, c’est vers eux que sont dirigés préférentiellement les pleurs et les sourires. Un peu plus tard, les étrangers peuvent devenir des déclencheurs de pleurs et non des consolateurs. Ceci s’inscrit dans la mise en place de processus d’attachement, d’exploration, d’intersubjectivité ».
Lorsque les ressentis qu’il éprouve sont reconnus par le parent, l’enfant peut se les approprier et leur attribuer une valeur. Son répertoire émotionnel se constitue puis s’enrichit.
La socialisation ne naît pas de la stricte obéissance à l’adulte mais de la capacité des enfants à découvrir progressivement dans une succession d’expériences que leurs ressentis, leurs émotions comme leurs places peuvent être différents et que cette différence est source de vie et pas seulement de danger.
Confrontation à la différence et socialisation
L’enfant expérimente progressivement que ses ressentis, ses besoins, ses désirs et ceux de ses parents peuvent ne pas concorder. L’éprouvé de la différence se poursuit avec le besoin progressif d’explorer les objets et les situations et l’introduction d’une « dimension éducative ».
Ce qui est plaisir pour lui (de la chute répétée de la cuillère au pataugeage dans la boue…) peut déclencher pour le parent du déplaisir, de la tristesse, de la colère. Stern décrit poétiquement: « la flaque d’eau vue par le bébé comme merveilleux miroir et ressentie par sa mère comme dégoûtante ! ». Ceci soulève son étonnement, sa non-compréhension. Son sentiment de sécurité en construction est mis à l’épreuve. Le bébé habitué à faire confiance à son parent dont il avait l’habitude qu’il le console sera susceptible de dépasser d’autant mieux sa difficulté que le parent continuera par ailleurs à se montrer prévenant et attentif.
Les limites indispensables à la sécurité physique et psychologique accompagnent la socialisation :
-Elles s’appliquent aux comportements à l’égard des objets et des êtres,
-Elles participent à la régulation du besoin d’exploration,
-Elles sont occasion pour l’enfant et les parents de se confronter à la différence et au conflit (explicite et implicite),
-Elles mettent à l’épreuve la confiance de l’enfant envers le parent et aussi envers lui-même. La confrontation de l’enfant aux propositions et aux exigences de l’adulte met en jeu la représentation de son sentiment d’exister, la question de sa dépendance et son sentiment de sécurité tel qu’il se construit.
En même temps qu’il est confronté à un désir différent du sien, il se voit reconnaître la valeur de ses émotions propres, différentes de celles de son parent. Il peut se représenter progressivement, autrement que par un rapport de force mettant en danger la totalité de son être dans sa relation au parent – la différence entre le droit d’éprouver un désir (résultant de ses ressentis) et la possibilité de le réaliser.
Il est donc essentiel que les adultes accèdent à une représentation adéquate des modes de fonctionnement de l’enfant, de la place de ses émotions, du sens de ses réactions et de la valeur de leurs propres émotions.
C’est la condition d’un accompagnement adapté dans la construction d’un territoire dont les limites garantissent la spécificité. Il s’agit de soutenir l’enfant pour lui permettre de se sentir reconnu dans la relation du présent, à travers les émotions qui s’exercent chez lui dans sa confrontation à la complexité du monde.
La prise de conscience par le partenaire de l’enfant (parent, éducateur, intervenante…) de la concordance ou/et de la différence de leurs émotions dans une même situation lui permet de moduler son attitude pour maintenir (après une possible phase de rupture) ou établir un sentiment de confiance dans la relation.
Ce sentiment de sécurité dans la relation offre la possibilité à l’enfant qui s’est construit « contre » l’adulte d’accéder progressivement, au prix d’une succession d’incertitudes quant au risque d’abandonner ses « protections », à une représentation renouvelée de la différence, garantie du respect de l’autre et de lui-même.
EQUIPE CRECHE AND DO
Article rédigé d’après JP VISIER