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Faut-il dire la vérité aux enfants sur le père Noël ?

Comment réagir quand les petits posent des questions à propos du père Noël ? Continuer de leur faire croire à son existence ou bien leur dire la vérité ? Nous avons posé la question à la psychopraticienne Aurore Le Moing et au pédopsychiatre Marcel Rufo.

Face aux questions des enfants, quand ils grandissent et commencent à douter de l’existence du père Noël, les parents se demandent souvent comment réagir… Faut-il leur dire la vérité ou continuer à jouer le jeu ? À partir de quel âge peut-on leur expliquer que le père Noël est une jolie légende ?

Aurore Le Moing est psychopraticienne. Marcel Rufo est pédopsychiatre, professeur d’université et praticien hospitalier, auteur de nombreux ouvrages consacrés à la prime enfance. Nous leur avons posé cinq questions sur l’imaginaire des enfants, et sur ce que l’on peut leur dire ou pas, à propos du père Noël.

Cultiver l’imaginaire de son enfant, c’est important ?

Aurore Le Moing : Je pense que ça lui apporte quelque chose ! Jusqu’à ce que l’enfant prenne conscience de son identité propre, après la période d’Œdipe, vers 6-8 ans, il est dans l’imaginaire. Les enfants sont dans une réalité modifiée et il n’y a rien de péjoratif là-dedans… Des études ont été menées : être dans l’imaginaire les rassure. Par exemple, une héroïne abandonnée qui combat des méchants et retrouve sa maison, renvoie l’enfant à se dire : « OK, donc je m’en sortirai si ça m’arrive… » À cet âge l’imaginaire est bénéfique. Les mythes, comme le père Noël, alimentent leur imaginaire.

Marcel Rufo : Le père Noël s’intègre dans le développement psychologique et personnel de l’enfant. Jusqu’à 7 ans environ, il a une vision du monde différente de la nôtre, il pense que les animaux et personnages de fiction parlent… Le père Noël, c’est encore plus original, car le fait qu’il entre par effraction dans la maison, la nuit, par la cheminée, devrait faire peur et c’est tout l’inverse ! Les contes évitent la peur et font du bien aux enfants. Il faut que les enfants jouent avec, le plus longtemps qu’ils le peuvent.

Y a-t-il un risque, si un enfant ne croit pas ou plus au père Noël ?

Aurore Le Moing : S’il n’y croit plus très tôt, il aura moins de déception au moment de la révélation. Après tout, il y a plein d’autres mythes dans l’enfance : doudou, ami imaginaire, contes de fées, qui permettent de s’évader… Le père Noël est un imaginaire comme un autre. Le seul risque, et qui est dommage, c’est dans la cour de récréation, qu’il se sent un peu plus « malin », qu’il veuille le dire à ses camarades et que ça se retourne contre lui.

Marcel Rufo : Il n’y a pas de réel risque pour un enfant qui n’y croit pas. Sinon peut-être un petit regret, comme pour les adultes : ça nous plairait d’y croire encore !

Ne pas lui dire la vérité, est-ce lui mentir ?

Aurore Le Moing : Comme je disais, à cet âge l’imaginaire est bénéfique. Ça permet de rêver, pour l’enfant et pour toute la famille. C’est positif. Ça revient à mentir pour la bonne cause ! Après, les parents peuvent affirmer l’existence du père Noël sans mentir, en posant des questions à l’enfant : « Tu penses que le père Noël existe ? À ton avis il habite où ? Est-ce qu’il a une famille ? »

Marcel Rufo : Je ne pense pas qu’à ce moment-là les enfants voient leurs parents comme des menteurs. Je pense plutôt qu’ils perçoivent la supercherie comme un jeu. Les parents jouent « à faire croire ». Le père Noël devient un jeu de famille comme un cache-cache. Dire : « Viens voir ce qu’il s’est passé dans la cheminée », ou bien : « Oh, j’ai entendu un bruit ! » ne relève pas du mensonge pervers, mais du mensonge poétique.

Au moment de la révélation, est-il possible que l’enfant perde confiance en ses parents ?

Aurore Le Moing : C’est assez aléatoire, peut-être que certains enfants vont ressentir la révélation comme ça, ce n’est pas sûr, dans tous les cas il faut communiquer. Si l’enfant adopte un comportement de méfiance, il faut lui expliquer pourquoi on l’a laissé croire au père Noël. Une fois que l’enfant est au courant, en général la peine passe rapidement. Si ce n’est pas le cas, discuter et l’apaiser sont les seules choses à faire.

Marcel Rufo : Il va sûrement être déçu que le père Noël n’existe pas, mais il va surtout être fier. Parce qu’il va comprendre qu’il est assez grand pour que quelqu’un le lui avoue. Le père Noël disparaît souvent en CP. L’enfant entre alors dans une phase de raison et non plus d’émotion, et il sera content d’apprendre de nouvelles choses. S’il l’apprend par un camarade ou quelqu’un hors du cercle familial, cela fait partie du progrès. Les enfants ont le droit à leur propre découverte.

Y a-t-il un âge auquel les parents doivent casser le mythe de père Noël ?

Aurore Le Moing : Bonne question. Dans un premier temps il ne faut jamais casser le mythe. Si l’enfant est encore dans cette croyance, c’est qu’il en a besoin. Consciemment ou inconsciemment, c’est qu’il ne sent pas en sécurité. Le père Noël a un côté « réconfort » comme un ami imaginaire. Je ne pense pas qu’il soit bon de dire : « C’est bon, tu as 8 ou 9 ans, il faut que je te dise, quand même… »

Après, entre 12 et 15 ans, il y a sûrement une discussion à avoir. Entrer dans l’adolescence revient à s’ancrer dans la réalité, être confronté au monde qui nous entoure. Il faut faire le distinguo entre l’adolescent qui croit au père Noël mais qui est bien ancré dans le monde, et celui qui y croit mais est exclu.

Marcel Rufo : La question est assez actuelle. Toujours vouloir être dans la communication avec les enfants, ne rien leur cacher, etc. Mais comme je l’ai dit plus tôt, les enfants ont le droit à leur propre découverte. Donc il n’y a pas vraiment d’âge auquel il faut leur dire que le Père Noël n’existe pas. Ils découvriront la vérité par eux-mêmes un jour ou l’autre.

Propos recueillis par Sophie Eyegue

Edition du soir- psychologie Ouest France